Véritable joyau de la Renaissance dans le midi de la France, le château de Bournazel est considéré comme l’un des plus beaux témoignages du 16ème siècle. Sa composition, comme son décor sculpté, évoquent les plus belles créations du temps de François 1er. Son classement à l’Inventaire des Monuments Historiques date d’octobre 1942.
Anciennement propriété d’un établissement public et transformé en maison de repos pour ouvriers mineurs, de la Libération jusqu’aux années 2000 (Decazeville est à 15 kms), le château est vendu en 2006 à monsieur et madame Harlin, pressentis par l’Architecte en Chef des Monuments Historiques, dans l’optique de le remettre en état.
HISTORIQUE et ARCHITECTURE

Au milieu du 16ème siècle, le château Renaissance fut bâti à l’emplacement du manoir féodal qui tombait en ruine, tout en préservant les autres structures médiévales, logis de la basse cour, tours de défense (les deux grosses grosses tours sembleraient être, selon la légende, deux donjons correspondant à une co-seigneurie), enceinte urbaine. Le projet comprenait quatre ailes organisées autour d’une vaste cour rectangulaire mais il ne fut jamais achevé.
Seuls furent réalisés l’aile Nord et l’aile orientale ainsi que l’escalier d’honneur en retour. Les commanditaires étaient Jean II de Buisson et son épouse Charlotte de Mancip, héritière du domaine. Jean de Buisson, héritier d’une famille de banquiers toulousains, était aussi un homme de guerre de François 1er. Il participa notamment à la bataille de Cérisolles (douze mille combattants y furent tués) où il deviendra capitaine de 50 hommes d’armes.
La pierre locale très résistante ayant servi à la construction du château, explique la bonne conservation des motifs présents sur les façades. La richesse de ces sculptures est exceptionnelle. Le mode de construction du château est particulier : les murs sont en moellons recouverts d’un placage de pierres qui correspond à la hauteur des lits de la carrière.
Ce château Renaissance utilisera les nouvelles règles d’architecture et de symétrie ; on ne recherche plus la performance en hauteur, mais une construction plus simple, que compenseront largement les frises et la décoration de ses façades.
La construction du château de Bournazel débuta par l’aile Nord dans les années 1540. Pendant que Jean de Buisson participe à la neuvième guerre d’Italie menée par François 1er et au cours de laquelle il s’illustre à la bataille de Cérisoles en 1544, son épouse conduit les travaux. Les travaux de l’aile Nord seront achevés en 1545. La façade sur cour de cette aile se caractérise par une composition régulière ordonnée en travées avec superposition des ordres (ordre dorique au premier niveau, puis ionique et corinthien) en référence à l’architecture antique et au traité de Vitruve, seul traité d’architecture antique qui nous soit parvenu.

Des métopes et des triglyphes ornent les façades. Au-dessus de la porte d’entrée, on remarque notamment la représentation de Jupiter-Amon faisant référence à la victoire d’Auguste sur Octave qui pour la première fois va transformer Zeus (Jupiter) en un dieu un peu hétérogène puisqu’il va lui rajouter des cornes, cornes du dieu Amon, pour montrer sa victoire sur les égyptiens, sur Octave.
Ce même dieu, se retrouve à plusieurs endroits mais sous des formes différentes : soit en dieu cornu avec un motif de cuir enroulé, soit avec des cornes, soit avec des attributs guerriers rappelant que Jean de Buisson était un homme de guerre.
Les métopes contiennent également des bucrânes, des taureaux à mi-corps, dont les cornes drapées dans des linges signifient qu’il s’agit du taureau du sacrifice. On y découvre aussi un taureau alangui à l’œil séducteur, incarnation de Zeus s’apprêtant à enlever la belle Europe. Sont présents également des objets militaires contemporains, des cuirasses de parade, des piques, des hallebardes.
L’aile orientale, datée des années 1555, est rattachée à la précédente par un retour d’équerre ouvrant sur la tour Nord-Est. Elle s’inspire encore d’avantage de l’antiquité avec, pour une des premières fois en France, l’utilisation de la travée rythmique à la façon des architectes italiens Bramante et Serlio (venu en France à la demande de François 1er, Serlio construira peu, mais les modèles de ses livres seront repris très rapidement). Le portique présente donc une alternance de niches et d’immenses arcades. De caractère profondément romain, les baies sont garnies à l’intrados de caissons comme dans les arcs de triomphes ou les basiliques.
Au niveau supérieur, un couloir est aménagé à travers les grandes arcades pour permettre le passage entre l’escalier d’honneur et l’aile Nord. C’est la première fois que ce type de dispositif était utilisé en France dans l’architecture civile ; novateur, il préfigure les couloirs.
Avec le décès de Jean du Buisson dans les années 1570, le château va rester figé dans son état. Entre 1560 et 1590, les périodes étant tellement troublées, peu de constructions voient le jour ; la priorité est plutôt de se défendre.
En 1790, lors d’une révolte paysanne contre les taxes redevables au seigneur, le château fut pillé jusqu’aux plombs des fenêtres, puis incendié.
Le 19ème siècle paracheva les destructions de la Révolution : très tôt, à l’époque de Prosper Mérimée, le château avait été inscrit aux Monuments Historiques. A l’époque, le propriétaire, le Marquis de Marigny, n’ayant pas touché de subsides profitera d’une nouvelle loi pour faire déclasser le château et araser les structures en mauvais état.
L’escalier d’honneur en retour de l’aile orientale fut détruit (il n’en reste que le niveau bas), la tour adjacente arasée et transformée en terrasse ainsi qu’une partie de l’aile orientale.

Au 18ème, le premier étage abritait une chapelle ; mais un passage direct existait aussi entre le château et l’église. Le seigneur pouvait ainsi aller directement à sa tribune pour écouter la messe.
Seule rescapée de ce désastre, l’aile Nord traverse le 20ème siècle avec une tout autre destinée : elle est transformée en maison de repos pendant plus de soixante ans, gérée par la Caisse de secours minier. Le château de Jean de Buisson est donc réaménagé de manière fonctionnelle pour accueillir les équipements liés à cette activité.
Leurs projets d’agrandissement ayant été retoqués par la Commission supérieure des Monuments Historiques, le château est alors vendu en 2006 à monsieur et madame Harlin.
À l’instar des châteaux de la cour du roi François 1er, le château de Bournazel était un lieu de réception dont l’architecture devait refléter le savoir-vivre du seigneur.
À cet effet, l’aile Nord, élevée sur trois niveaux, accueillait l’ensemble des chambres, tandis que l’aile orientale était organisée pour la réception, avec les cuisines au rez-de-chaussée, la grande salle à l’étage et la chapelle aux combles.
L’architecte de Bournazel demeure inconnu même si le nom de Guillaume de Lyssorgues, architecte du château de Grave, est souvent cité (nombreuses correspondances entre les deux châteaux, en particulier la présence des motifs de décoration d’oves).
RESTAURATION
Après accord des Monuments Historiques, l’aile orientale, détruite à la Révolution et dont il ne restait plus que la façade à ciel ouvert, est en reconstruction. Celle-ci menaçait de s’écrouler et il a fallu agir en urgence. Les observations, recherches et études approfondies ont permis de déterminer son volume, ses qualités propres et les structures pouvant lui être restituées. C’est dans cette aile que monsieur et madame Harlin aménageront leur appartement. Le photo-montage ci-dessous donne l’aspect qu’aura le château une fois les travaux de restauration et de reconstruction terminés. On voit là l’ampleur du chantier à réaliser.
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Avant la restauration de l’aile orientale.
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Une fois la restauration de l’aile orientale terminée.
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La grande salle de l’aile orientale n’avait plus de sol ; deux niveaux de voûtes ont donc été remontés (photo-ci dessous).

Dans la tour Sud-Est, transformée momentanément en terrasse (photo de gauche) il ne restait qu’une travée verticale s’arrêtant aux appuis des fenêtres. Celle-ci a été détruite dans le but de reconstruire l’ensemble des deux travées et faire la jonction avec l’aile orientale.
Les tailleurs de pierre sculptent les éléments de la future façade du château, à la manière de la Renaissance française, en restant fidèle aux techniques de leurs lointains prédécesseurs. Les outils électriques sont utilisés pour dégrossir les blocs, mais tous les détails sont sculptés à la main.
L’entrée du château se situe au niveau de la première enceinte du château médiéval construit par la famille de Mancip. Puis, entre les deux grosses tours, on découvre le château Renaissance contrastant avec la verticalité et la rudesse de l’architecture gothique.
L’une des tours a été restaurée et son échauguette refaite. L’autre n’a plus de toit et reste à sauvegarder.

INTERIEURS
Dans l’aile Nord, les oves sont très présents que ce soit dans l’escalier, en frise, ou sur les cheminées des différentes pièces. Le rez-de-chaussée, disposé en enfilade, sans couloir, est entièrement voûté.
Le plafond du hall de l’entrée latérale est un très bel ouvrage de stéréotomie : on y découvre une voûte avec un continuum entre le plan carré et le plan circulaire. Les pierres, posées sans ciment jointif, constituent un ensemble est auto-porteur. Pour alléger la voûte, les arcs sont légèrement décollés du mur.
Des représentations de méduses figurent sur une pile pendante, sa présence servant à éloigner les forces du mal. Une porte sculptée surmontée d’un fronton donne accès aux différentes pièces en enfilade.
Cette aile Nord, construite la première, n’abrite que des chambres et des arrières-chambres ce qui laisse supposer que la partie médiévale comprenant la grande salle était encore existante.
Toutes les pièces comprennent une cheminée, la même dans la chambre et l’arrière-chambre, qui respectent elles aussi la superposition des ordres en fonction des niveaux. L’ensemble de ces pièces a été restauré. Elles ont été meublées par thème (Italie, Espagne, nordique…) avec des meubles d’époque et des peintures originales.

Des éléments de fresques ont été découverts sous les couches d’enduit datant probablement des années 1620 (on y devine une jeune femme avec deux châteaux en arrière-plan ; un mousquetaire tenant un mousquet).
A l’angle des deux ailes, au premier étage, se trouve la pièce la plus importante, manifestement la chambre du seigneur. Elle n’est plus voûtée contrairement aux pièces du rez-de-chaussée. Sa grande hauteur sous plafond indique que nous sommes à l’étage noble. Elle est dotée d’une grande cheminée.
Dans la tour Nord-Est une pièce circulaire, rendue carrée, avec la création d’arrière cuisine permet d’habiter ce niveau. On y voit la devise des Buisson « Semper Virens » (toujours vert).
Une chambre avec lit à baldaquin, de style néo-classique a été reconstituée ; on retrouve sur le bois de lit les palmettes qui se trouvent sur la clé pendante.
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détail de la frise : visage aux cornes de taureaux et attributs guerriers (métope entourée de triglyphes) |
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détail de la frise : bucrâne (métope), triglyphes à droite |

JARDINS
Le verger a été replanté à l’automne dernier. Un bassin rectangulaire de 58 mètres de long, qui était maçonné, et un bassin circulaire ont été mis à jour.
Fruit d’un long travail en archives et d’une campagne de fouilles archéologiques, la restauration des jardins offrira un exemple cohérent de composition réalisé entre 1542 et 1561.
À terme, seront présents à Bournazel, outre neuf parterres thématisés sur l’éducation d’un prince fortuné (leçon prise sur les métopes du château), des fontaines, des vases, un polyandrion, des jardins de chambre et des « aires », un labyrinthe, des tonnelles et des terrasses….
Ce sera une pièce unique en France.
OUVERTURE AU PUBLIC
Visites guidées du 1er juillet au 3ème dimanche de septembre de 14 h à 19 h sauf le mardi.
Groupes sur rendez-vous.

CONTACT
Château de Bournazel
12390 Bournazel
05 65 80 81 99 pendant la période d’ouverture à la visite
01 39 02 37 71
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Les informations contenues dans ce reportage ont été recueillies auprès de la propriétaire. Autre source : Noblesse et Royauté |